Communication

< retour au sommaire - page suivante >

La communication entre les ouvrières et les hôtes

    « De tout temps et dans toutes les fourmilières, les commensaux ont proliféré. Plus de deux mille espèces d'insectes, de myriapodes, d arachnides, vivant en permanence dans une fourmilière et complètement tolérées par les fourmis, ont ainsi été dénombrées. »

    On a vu précédemment que toute entité ne possédant pas les phéromones passeports requis était automatiquement rejetée. Ce n'est pas tout à fait exact ; certains insectes pullulent dans les colonies. Ils sont, soit ignorés, soit tolérés par leurs hôtes. 

    En règle générale, c'est uniquement parce que ces insectes sont utiles à la colonie qu'ils y sont les bienvenus. On pourrait donner à titre d'exemple celui du grillon aptère, qui se nourrit de déchets divers qu'il trouve dans la colonie : cadavres de fourmis, détritus… ou encore celui des cochenilles, peu mobiles qui distribuent du miellat. 

    Mais, l’exemple le plus flagrant et le plus connu est celui des pucerons myrmécophiles. Si le chien est le meilleur ami de l'homme, le puceron, lui, est sans contesté celui de la fourmi. N'en déplaise aux humains, la fourmi elle aussi, a su domestiqué les animaux (cela dit c'est la seule espèce). Plus encore, elles en pratiquent l'élevage! 

    « Voici les étables a pucerons. La reine Chil-pou-ni a tenu a ce que toutes les étables soit incluses dans la cites afin de ne plus risquer que les troupeaux soient attaqués (…) le taux de reproduction des pucerons a augmenté. Il est désormais de dix bêtes à la seconde. »

    Bien intégrés dans la société, ces myrmécophiles sont léchés et nourris par les ouvrières qui, le plus souvent, élèvent aussi leur descendance. Mais tout cela à un prix, en échange d'un gîte et d'un couvert, le puceron doit fournir de la nourriture quotidiennement aux fourmis et pas n'importe laquelle : le miellat, ce nectar sucré riche en protéine dont les fourmis raffolent.

    Ceci ne pose aucun problème aux pucerons, étant donné qu'ils en secrètent à volonté à l'aide de ses glandes dites "d'apaisements". Elles sont appelées ainsi puisque le miellat qu'elles produisent à la particularité d'annihiler toute agressivité des fourmis. Le moindre tapotement d'antennes sur cette glande de la part d'une fourmi affamée déclenche aussitôt la libération une goutte du délicieux liquide. Il réside néanmoins un problème, d'autres insectes comme les punaises sont capables eux aussi de produire de miellat. Alors pourquoi nourrir et héberger au sein même de la colonie une telle espèce ? 

    Depuis longtemps, l'hypothèse d'une sécrétion par ces myrmécophiles de molécules favorisant leur adoption a été émise. Il s'est avéré qu'il existait une autre glande, située sur l'abdomen des pucerons, que les entomologistes ont appelées "glande d'adoption". Cela vient du fait que cette glande secrète des allomones qui semblent responsable de l'engouement que porte les fourmis aux pucerons. Les allomones sont l'équivalent des phéromones, mais destinées à un individu d'une autre espèce. 

    Pour en avoir le cœur net, les scientifiques ont mis sur pied une expérience. Ils ont introduit un puceron au pied d'une colonie de fourmis, après avoir préalablement obstrué le canal de la glande par laquelle s'échappe les allomones. Il s'est avéré que l'invertébré cherchait en premier lieu à pénétrer dans la colonie. Pour se faire, il présente une goûte de miellat aux fourmis se trouvant à l'entrée du nid, secrété à l'aide de sa glande d'apaisement ; ces dernières s'empressent de l'avaler. Dans un second temps c'est la glande d'adoption qui entre en jeux. En temps normal, les fourmis hument les allomones qui en sont libérées et laissent passer l'individu. Mais dans l'expérience, le puceron est brutalement rejeté. 

    C'est donc que ces allomones jouent un rôle prépondérant dans l'acceptation des pucerons dans la colonie. Les scientifiques pensent pour la plupart que les allomones sécrétées par la glande d'adoption de l'insecte joueraient le rôle de phéromones passeport, ce qui  reviendrait à dire que le myrmécophile serait en quelque sorte capable de « parler » le même langage. 

    En somme l'acceptation des myrmécophiles par les fourmis hôtes repose sur le fait qu’ils ont su "décrypter", puis reproduire le code personnel de leurs hôtes pour pouvoir s'introduire librement dans la colonie.